La Cour des comptes annonce un déficit record de la sécurité sociale en 2010

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Dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement, la Cour des comptes vient de rendre public son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
Jamais le déficit de la sécurité sociale n’a atteint un niveau aussi élevé qu’en 2010.

D’un montant de 29,8 Md€, il a plus que triplé en deux ans (-8,9 Md€ en 2008). Pour l’essentiel, ces déficits se sont concentrés sur le régime général dont toutes les branches, en particulier l’assurance maladie et l’assurance vieillesse, ont vu leur déficit augmenter, et sur le fonds spécial vieillesse (FSV), chroniquement sous-financé.

Le niveau exceptionnellement élevé des déficits ne s’explique que partiellement par la crise économique. En 2010, le déficit structurel du régime général a été d’environ 0,7 point de PIB sur un déficit total d’1,2 point.

Une spirale de la dette sociale qu’il est urgent d’infléchir

L’accumulation des déficits entretient une spirale d’accroissement de la dette sociale qui s’élevait à 136 Md€ fin 2010. Le dispositif exceptionnel de cantonnement de la dette sociale, mis en place en 1996 avec la création de la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), a été rendu pérenne par des transferts répétés de dettes. Le montant de la dette sociale dont le transfert a été décidé jusqu’en 2018 s’élève désormais à 260 Md€, et la durée de vie de la caisse, prolongée jusqu’en 2025, a doublé.

La dette sociale a pu être financée dans de bonnes conditions malgré la crise en bénéficiant de la baisse des taux d’intérêt, et grâce à une ingénierie financière efficace. Mais elle représente une lourde charge : 30 Md€ d’intérêts ont été réglés depuis 1996. Surtout, la capacité d’amortissement annuel de la dette – 11,4 Md€- est constamment inférieure au montant du déficit constaté. La dette sociale ne cesse ainsi de grossir.

Comme l’a déjà exprimé la Cour, le déficit de la sécurité sociale constitue en soi une anomalie. Aucun de nos grands voisins européens n’accepte des déséquilibres durables de sa protection sociale Revenir à l’équilibre des comptes sociaux est un impératif.

L’accélération du redressement doit s’accompagner du rétablissement d’un lien fort entre le déficit d’une année et les ressources supplémentaires affectées à la CADES pour en assurer le financement. La Cour propose d’instituer, par une modification de loi organique et dans le cadre d’un calendrier précis et fiable de retour à l’équilibre des comptes sociaux, un transfert automatique à la CADES en fin d’année de la part de l’endettement de l’ACOSS correspondant au déficit du régime général et du FSV, en privilégiant une hausse de la CRDS pour en financer le remboursement.

L’effort accru de rétablissement des comptes doit par priorité concerner l’assurance maladie

Son déficit représente près de la moitié de celui du régime général. Certes l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été respecté en 2010, pour la deuxième fois seulement depuis son institution. Ce résultat en soi positif, s’il est dû à un pilotage plus fin et plus ferme de la dépense, est aussi lié à des facteurs circonstanciels. La tenue dans la durée d’un ONDAM resserré nécessite d’amplifier considérablement les efforts et de mobiliser avec constance toutes les marges d’efficience possibles.

Maîtriser plus fermement la dépense de médicament

Notre pays se caractérise par le niveau particulièrement élevé de ses dépenses de médicament -36 Md€-, soit en part de PIB 15 % de plus que l’Allemagne, et un niveau de prise en charge par l’assurance maladie qui augmente régulièrement (de 73,6% à 77,3% sur les sept dernières années). Les constats faits font apparaître que le système d’admission au remboursement et de fixation des prix est insuffisamment rigoureux et peu transparent. Les efforts de régulation s’essoufflent, en particulier la diffusion des génériques qui tend à reculer en volume du fait notamment de la stratégie de « contre génériques » mise en œuvre par certains laboratoires. Les incitations à une prescription plus sobre, en ville comme à l’hôpital, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Une refonte d’ensemble du dispositif est ainsi indispensable.

Remédier aux inégalités persistantes dans la répartition territoriale des médecins

Il n’y a jamais eu autant de médecins en France ni une densité médicale aussi élevée. Après un creux passager, leur croissance démographique va reprendre à compter de 2019 et doit amener d’ores et déjà à réfléchir au niveau du numerus clausus pour les prochaines années et à une régulation plus pertinente des flux de formation. Leur inégale répartition appelle des mesures fortes et plus efficaces que les multiples dispositifs actuels, aux résultats non probants. Dans la mesure où l’assurance maladie prend déjà en charge une partie importante des cotisations sociales des médecins conventionnés, la Cour propose d’introduire une modulation généralisée de cette prise en charge par l’assurance maladie en fonction de l’implantation territoriale des médecins.

Mieux valoriser les compétences des sages-femmes

Le nombre de sages-femmes a quasiment doublé depuis 1990 et une complémentarité mieux articulée avec les autres professionnels de la naissance, et notamment les gynécologues obstétriciens, serait de nature à valoriser les compétences respectives de ces professions médicales au bénéfice de la sécurité des patientes, des objectifs de la politique de périnatalité et de l’optimisation des prises en charge par l’assurance maladie.

Mobiliser activement les marges d’efficience importantes du système hospitalier

La convergence tarifaire entre hôpitaux publics et cliniques privées, dont le terme a été fixé par la loi à 2018, suppose des arbitrages rapides, en particulier sur le périmètre de cette convergence, pour parvenir à une véritable égalisation des conditions de concurrence entre les deux secteurs. Les centres hospitaliers universitaires (CHU) doivent être incités à considérablement intensifier leurs efforts de réorganisation interne dès lors notamment que leur spécificité en matière de soins apparaît en réalité limitée. Les coopérations hospitalières devraient apporter une contribution accrue à une meilleure utilisation et à la qualité de l’offre de soins par un pilotage plus affirmé.

Mettre fin aux incohérences des prises en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire

En analysant ces dispositifs, notamment celles liées aux affections de longue durée, la Cour a constaté que le système actuel se révèle complexe et peu cohérent. Les exonérations de ticket modérateur représentent, pour les soins de ville, un coût de l’ordre de 10Md€ dont 8 Md€ au titre des affections longue durée. Ce système est en partie inefficace car il laisse pour certains assurés des restes à charge très élevés.

Réorienter  les niches sociales et fiscales des complémentaires santé et de l’épargne retraite

La Cour a relevé que certaines exonérations de cotisations sociales pouvaient occasionner des effets d’aubaine alors même que les catégories aux revenus peu élevés en bénéficient peu. Ces aides doivent être mieux ciblées en faveur de ces catégories afin de les inciter à acquérir une couverture complémentaire santé et des produits d’épargne retraite.
La réorganisation des caisses et des régimes de sécurité sociale doit permettre de dégager des gains de productivité accrus

Au cours des dernières années, des progrès réels en matière de productivité des organismes du régime général ont été dégagés, pour l’essentiel concernant la branche maladie. Cependant, alors que les coûts de gestion administrative de régime général représentent 10 Md€ par an, ces progrès apparaissent insuffisamment ambitieux au regard des gains potentiels liés en particulier à la dématérialisation des tâches. En allant au-delà de la fusion juridique des caisses, des réorganisations plus profondes doivent être menées. Ainsi, un objectif de réduction de 10 % de ses coûts de gestion, soit un milliard d’euros d’économies, pourrait être fixé au régime général au cours des prochaines années.

La gestion des prestations que la branche famille verse pour le compte de l’Etat et des départements (aides au logement, allocation pour adultes handicapés, RSA) représente désormais une part majoritaire de son activité. Elle doit améliorer ses coûts de gestion, se doter d’une comptabilité analytique et facturer ses frais de gestion au coût réel. Par ailleurs, la restructuration du réseau de la Mutualité sociale agricole reste à parfaire.

> Consulter les principales recommandations du rapport de la Cour des compte

Source : Communiqué de la Cour des Comptes


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Cet article a été publié par la Rédaction le


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